Henry
Chavigny de Lachevrotière
Henry de Lachevrotière dans les années 30
© Jirayr 92
Henri Chavigny de Lachevrotière né le 11 septembre 1883 à Saïgon où il est mort assassiné le 12 janvier 1951.
Son père, Éleuthère Chavigny de Lachevrotière né en 1846 à Fort-de-France, il quitta la Martinique pour s'installer à Saïgon où il rencontra sa future femme Nguyen thi An d'origine tonkinoise qu'il finit par épouser. C'est ainsi que le 11 septembre 1883 naquit à Saïgon Henry Bernard Chavigny de Lachevrotière.
Henry passe une partie de son enfance puis de sa jeunesse en métropole, il sera notamment lycéen à Bordeaux.
Avant 1914 il participa au défrichement de la forêt de tram du Transbassac, région, couverte de mangroves, située à l'ouest du Mékong jusqu'à la frontière du Cambodge, afin de généraliser la riziculture.
Henry Chavigny de Lachevrotière
Un patriote conservateur
Pendant la première guerre mondiale Chavigny de Lachevrotière entre dans l'administration coloniale à Sadec (Cochinchine).
En 1917, il entre au service de "L'Impartial", journal appartenant à Ernest Outrey. Il en deviendra le rédacteur en chef et ce sera le journal le plus lu de Saïgon. Il y développe une position pro-française et cherche à défendre les intérêts de "la mère patrie.
L'aventurier-pilleur de ruines du temple de Banteay Srei
Un jeune écrivain André Malraux et sa campagne Clara Goldschmidt s'embarquent à Marseille en octobre 1923 pour un voyage au Cambodge. Il s'agit pas d'un voyage existentiel en quête de liberté. Malraux n’a qu’un seul but : piller les statues d’un temple khmer pour effacer ses problèmes d’argent. Malheureusement pour lui, l’expédition tourne mal. Il termine son aventure, arrêté et jeté en prison. Les pilleurs sont condamnés. La presse indochinoise, à commencer par le rédacteur en chef Henry de la Chevrotière de "L'Impartial" se déchaîne contre André Malraux.
Ces articles seront le début de la renommée de Henry de la Chevrotière avec ses vives polémiques contre l'auteur futur de "La Voie royale" qui sera publiée en 1930 etvqui s'inspira de son séjour tumultueux au Cambodge.
Henry de la Chevrotière quitte "L'Impartial" en 1926 et fonde, en 1928 son propre journal "La Dépêche" et qui sera le journal le plus lu de Saïgon.
Le Conseil Colonial de Cochinchine
Henry Chavigny de Lachevrotière sera élu Président du Conseil Colonial de Cochinchine dans les années 30, y menant une politique conservatrice en défendant les intérêts de la métropole.
Après la seconde après la seconde guerre mondiale et la réforme du statut de l'Indochine, il lancera son nouveau journal dont il sera le directeur "L'Union Française".
Henry de Lachevrotière dans les années 50
© Agence Intercontinentale 100, rue Réaumur Paris II
L’ Agence Intercontinental relatait cet attentat :
"Le Vendredi 12 janvier 1951 à 12h35, monsieur Henry de Lachevrotière, directeur du quotidien local "L'Union Française" et doyen des journalistes français résidant en Indochine, se rendait dans sa Hotchkiss décapotable de son bureau de la rue Catinat à son domicile rue des Épargnes en passant comme à l’accoutumée par la rue Richaud. Peu avant le carrefour Richaud-Eyriaud des Vergnes, il fut dépassé par une jeep portant le numéro jaune du Corps consulaire, occupée par deux terroristes. Au passage, l'un des terroristes lança deux grenades dans la Hotchkiss.
Monsieur de Lachevrotière en saisit une et s’apprêtait à la relancer lorsqu’elle explosa. Sa main fut arrachée. Atteint au corps et à la tête, monsieur de Lachevrotière mourut presque instantanément. Le chauffeur qui accompagnait la victime fut grièvement blessé et décédera dans la soirée à l'hôpital où il avait été transporté. On suppose que la jeep qui a servi à commettre l'attentat aurait été volée le matin devant les bureaux du consulat américain. Une enquête a été aussitôt pour retrouver les assassins."
L'Union Française - Journal Quotidien
Directeur politique : Henry de la Chevrotière
23-25 rue Catinat Saïgon
M. Henry Chavigny de la Chevrotière
Directeur de "l'Union Française"
Chevalier de la Légion d'Honneur
Croix de guerre des T.O.E. (Théâtres d'opérations extérieurs)
L'adieu émouvant à Henry de la Chevrotière
Les couronnes
Déjà le Vendredi dans l'après-midi, de superbes gerbes de fleurs avaient été envoyées au domicile mortuaire par des amis de la famille.
Mais Samedi matin le salon, la salle à manger devinrent bientôt exigus pour contenir les immenses couronnes parvenant de toutes parts, elles débordèrent bientôt dans le vestibule d'entrée.
On pouvait relever les inscriptions suivantes ; dont certaines au plus haut point touchantes :
A notre grand-père chéri, éternels regrets
A notre père et grand-père regretté
A. de Lachevrotière, sincères regrets.
Le Gouvernement du Sud-Vietnam
Les Membres du Grand Conseil à leur regretté Président.
A notre très regretté Président et ami, les vétérans de l'Equipe de Foot Ball Saïgonnais
A notre doyen, le Cercle Sportif Saïgonnais
A notre regretté ami, la Fédération de Rugby
Le personnel français de "L'Union Française" à son regretté Directeur
Le personnel vietnamien de "L'Union Française" à son patron
Au nom des Eurasiens
L'Agence France Presse
Thà nh thât chin brôn
Le Préfet de la Région Saïgon Cholon
La Mutuelle des Anciens d'Indochine
La Fédération des oeuvres de l'Enfance Française
L'information du Sud-Vietnam
Sincères regrets, la Fédération de Foot Ball
A M. de la Chevrotière, famille Schein
Amicale des Antillais Guyannais
Les Français sinistrés d'Indochine, sincères regrets
Mutuelle des Français d'Indochine à son regretté président
Les journaliste saïgonnais à leur Confrère
Le Président Tran van Huu
Le Commissaire de la République dans le Sud-Vietnam
Amicale des Français de l'Inde
Colonie hindoue de la Cochinchine
Le Directeur de l'Information du Vietnam
La mutuelle des Français de l'Inde, sincères regrets
etc., etc...
Samedi matin, dès huit heures tandis que les gerbes et les couronnes continuent à affluer, les visites ne cesseront de se succéder jusqu'au moment de la mise en bière. Chacun veut assurer la Famille si cruellement et tragiquement éprouvée de son entière sympathie, chacun veut revoir une fois encore la douce figure de celui qui n'est plus, allongé sur sa couche funèbre et qui porte encore à la tête et au bras, dissimulés sous des pansements les horribles blessures reçues lors de l'attentat.
La matinée est belle et par les fenêtres largement ouvertes les rayons de soleil entourent ce tableau de grande désolation.
La mise en bière
A 11 heures, en présence de la Famille, d'intimes, de collaborateurs, a lieu la mise en bière. Le corps est doucement déposé dans le cercueil. On contemple une dernière fois, l'homme aimé que nous ne reverrons plus ni les uns ni les autres mais nous garderons précieusement le souvenir en nous inspirant du bel exemple de sa vie.
Dans l'après-midi, tout le personnel vietnamien de "L'Union Française" personnel des Bureaux, personnel des Machines, très attachés à leur Directeur venait apporter à la Famille de Lachrevrotière ses respectueuses autant qu'attristées condoléances et déposer une couronne de fleurs naturelles au pied du cercueil désormais refermé.
Le cortège
Derrière le char funèbre dont les cordons du poële étaient tenus par monsieur Claude Bourrin, vice-président de la Mutuelle des Anciens d'Indochine ; monsieur Gannay, inspecteur général de la Banque d'Indochine ; monsieur Breton, président de l'Amicale des Anciens Combattants ; monsieur Jacques Ky, directeur du Cabinet du Ministre de l'Agriculture ; monsieur Pouzen ; monsieur Allouche, se forma à 17 heures, l'imposant cortège en tête duquel prirent place les hautes autorités militaires et civiles françaises et vietnamiennes dont le général René Cogny chef de la maison militaire du Général d'armée, Haut Commissaire en Indochine de Lattre de Tassigny, monsieur l'Amiral Paul Ortoli, monsieur Aurillac, chef du cabinet civile du Haut Commissaire en Indochine ; le Président Tran van Huu, le Préfet Tran van Don, le doc-phu Tam...
Nous renonçons à énumérer les personnes présentes, on comptait plus de 2.000 personnes.
Tout Saïgon s'associant au deuil était là .
L'absoute solennelle à la Cathédrale
Vue aérienne de la cathédrale de Saïgon
Les cloches tintent doucement le glas funèbre tandis que le cercueil est porté au catafal qui est dressé dans la nef centrale. L'Eglise a revêtu sa parure de deuil.
Dans les stalles du choeur ont pris place des RR. PP. de la mission de Saïgon, apportant ainsi par leur présence l'hommage de leurs prières et de leurs déférentes sympathie.
De la tribune la Maîtrise entonne les chants des Morts, tandis que dans l'église la foule se recueille et prie. Dans cette foule on remarque des Soeurs de la Charité, un groupe d'enfants eurasiens, des dames, des jeunes filles. Le Révérend Père Seminel récite les dernières, et prononce le "Requiescat in pace".
Et c'est la marche vers le cimetière de la rue Massiges. Sur l'immense qu'il a fallu franchir, la Police assura un service d'ordre parfait témoignant ainsi sa reconnaissance à celui qui, sa vie durant n'avait cessé de l'aider et de l'encourager dans sa rude et souvent périlleuse tâche périlleuse *.
L'inhumation dans la caveau de famille
La nuit tombe. Le lourd cercueil est descendu dans la crypte où reposent déjà sous le signe SPESS :
André Chavigny de Lachevrotière, Henry Georges, Simone Veybel née Chavigny de Lachevrotière, Jean-Baptiste Chavigny de Lachevrotière, Emma Jean Baptiste.
La foule profondément émue par les discours qui viennent d'être prononcés par la remise de la Légion d'Honneur et de la Croix de Guerre des T.O.E. avec palmes, distinctions supprêmes que souhaitaient ardemment tous les amis d'Henry de Lachevrotière et qui expriment leur sincère reconnaissance, leur gratitude émue à monsieur le Général d"Armée, Haut Commissaire de France en Indochine de Lattre de Tassigny, la foule se retire pour aller une fois encore offrir à monsieur et madame Georges de Lachevrotière, à mesdemoiselles de Lachevrotière, à la famille l'expression de ses sincères condoléances.
Les discours des personnalités
Les condoléances du Général Chanson
Commissaire de la République du Sud-Vietnam
"Je remplis aujourd'hui le douloureux devoir de venir au nom du Commissariat de la Commissariat de la République dans le Sud-Vietnam saluer la dépouille mortelle de monsieur Henry de la Chevrotière, directeur de "L'Union Française", tombé sous les coups des terroristes le 12 janvier 1951.
Retracer la vie de Henry de Lachevrotière c'est faire revivre un demi-siècle de l'histoire du Sud-Vietnam à laquelle son nom est intimement attaché. C'est d'abord en qualité de colon qu'il participa avant 1914 au défrichement de la forêt de tram du Transbassac et à la mise en valeur de cette région jusque là inexploitée. Puis très rapidement la nature entreprenante et audacieuse du jeune colon le pousse vers d'autres activiés. C'est au journalisme que se consacre désormais au Henry de la Chevrotière et pendant quarante ans, comme Rédacteur ou Directeur des plus importants quotidiens de Saïgon, il exerca sur l'opinion publique de Cochinchine notamment dans "La Dépêche", une action soutenue et profonde.
cette action s'étendit au d'éleva à une place éminente. Membre de toutes les Assemblées élues de Cochinchine et d'Indochine. Doué d'une connaissance solide et avertie des gens et des choses de ce pays, parlant couramment le vietnamien, Henry de Lachevrotière sut toujours apporter dans les débats auxquels il participait, sous l'apparence d'une fougue oratoire parfois orageuse, le concours de son incontestable expérience des questions indochinoises.
Cette expérience que la disparition des anciennes assemblées ne lui permit plus d'apporter après 1945 à la tribune, Henry de Lachevrotière continuait quotidiennement de la dispenser sous la plume, dans ses éditoriaux de "L'Union Française". Tempérament dynamique et ardent, de Lachevrotière ne cessait de défendre avec talent la cause de la cause franco-vietnamienne et de combattre avec déterminatination les agissements criminels des organismes rebelles hostiles au succès des solutions nationales conclues entre la France et le Vietnam. Possèdant des amitiés sincères et nombreuses dans l'élite et la masse des mileux vietnamiens, la position du soutien intégral qu'il avait adoptée vis à vis du Gouvernement légal du Vietnam le désignait tout spécialement aux coups des terroristes que ses campagnes courageuses dénonçaient.
Après tant d'autres confrères, qui comme lui luttaient le front haut pour une même et juste cause, il est tombé hier en venant de quitter son bureau de travail. Il y a quelques mois, il avait échappé par miracle à un premier attantat, il savait sa vie menacée, mais sa confiance de vieux lutteur lui faisait mépriser le danger.
Affrontant toujours les risques à visage découvert et ne craignant pas d'exprimer ses idées avec une rude franchise, Henry de Lachevrotière a été lâchement frappé par des adversaires impitoyables ne reculant devant rien pour abattre ceux qui refusent de se soumettre à leur tyrannie.
Ce crime odieux n'aura pas eu pourtant le résulat que ses auteurs recherchaient. Cette nouvelle page sanglante inscrite au passif du Vietminh a soulevé dans tous les milieux français, vietnamiens un sentiment de réprobation et d'horreur. Car au-dessus de l'homme public qu'était Henry de Lachevrotière personne n'ignorait quel trésor de générosité et de coeur sous l'écorce parfois rude et mordante du polémiste.
Je n'apprendrai rien à ceux qui m'écoutent ici en rappelant que, français d'Indochine au carrefour de la France et du Vietnam, Henry de Lachevrotière s'est penché avec une sollicitude agissante sur toutes les infortunes et toutes les détresses des habitants de ce pays lorsqu'elles parvenaient à sa connaisance, quelle que fut la nationalité du demandeur, Français d'Indochine, Vietnamiens, Français de l'Inde, Eurasiens, savent quel défenseur autorisé ils avaient en lui et qu'elle perte irréparable ils viennent d'éprouver.
Le sacrifice de celui que nous pleurons aujourd'hui ne doit pas être inutile ; notre devoir est de poursuivre sans relâche et sans faiblesse la cause pour laquelle Henry de Lachevrotière est tombé : la consolidation de l'amitié franco-vietnamienne et la restauration de l'ordre et de la sécurité au Vietnam. Le plus bel hommage que nous puissions rendre à sa mémoire sera de continuer résolument et sans défaillance chacun dans notre sphère l'oeuvre pour laquelle il n'a pas hésité à risquer et à donner sa vie.
Mais à nos propres témoignages, le Vietnam et la France entendent joindre le leur :
- Le Vietnam - Sa Majesté Bảo Đại a bien voulu faire adresser au Général d'Armée, Haut Commissaire de France et Commandant en Chef, le télégramme suivant :
Sa majesté Bảo Đại, apprenant la nouvelle de l'assassinat de monsieur de Lachevrotière, me charge de vous faire part de sa vive émotion. Cet attentat inqualifiable qui révolte la conscience des hommes libres démontre, s'il est besoin, le mépris que professe le communisme Vietminh à l'égard de ces droits sacrés de la personne humaine que sont la liberté de pensée et d'opinion. Sa Majesté est persuadé que ce nouveau crime ne fera que resserrer les rangs de tous ceux, Vietnamiens et Français, qui ont foi dans les valeurs culturelles et morales de nos peuples pour sauvegarder une paix durable dans l'amitié et la solidarité de tous les hommes.
- La France - Le Général d'Armée de Lattre de Tassigny, Haut Commissaire de France et d'Indochine et Commandant en Chef, a accordé à titre exceptionnel la "Croix de Chevalier de la Légion d'honneur", et, sur sa proposition, la "Croix de Guerre" avec palme à Henry de Lachevrotière qui vécut ardemment et mourut noblement au service d'une belle et juste cause.
Au moment où nous allons dire à celui qui vient d'entrer dans la paix éternelle un dernier adieu, je sens combien les mots sont impuissants pour exprimer la douleur et les regrets qui nous étreignent tous. A sa famille ici présente, à ses enfants et petits enfants, à madame de Lachevrotière actuellement en France, je présente au nom du Commissariat de la République mes condoléances respectueuses" **.
A tous ceux qui l'aimaient, à ses confrères de la Presse Saïgonnaise à ses collaborateurs, à ses amis Français et Vietnamiens, j'apporte l'hommage de ma profonde sympathie. La foule innombrable qui se presse dans un mouvement unamime de piété et de recueillement autour du cercueil du bon et courageux français d'Indochine que fut Henry de Lachevrotière nous apporte la certitude que son souvenir restera vivant dans les mémoires et dans les coeurs.
Enfin, le Général Cogny, au nom du Général d'Armée de Lattre de Tassigny, Haut Commandeur en Chef, a déposé sur le cercueil du disparu la Croix de Chevalier d'honneur et la Croix de Guerre des T.O.E. avec palmes et citation *.
- Journaliste de grande classe qui après avoir joué un rôle de premier plan dans la vie politique de l'Indochine, s'est dépensé sans relâche et sans souci du danger pour défendre la cause de l'amitié franco-vietnamienne dont il a été un des premiers pionniers.
- Condamné à mort par les terroristes, ayant échappé par miracle à 2 attentats, n'a pas hésité à continuer son oeuvre.
- Est tombé en soldat le 12 Janvier 1951, donnant ainsi un magnifique exemple de courage et de ténacité.
Les condoléances de S.M. Bảo Đại, Chef de l'Etat du Vietnam
Sa Majesté, apprenant la nouvelle de l'assassinat de monsieur de Lachevrotière, a adressé au Président Tran van Huu le télégramme suivant :
"Je vous prie d'exprimer à la famille de la victime ainsi qu'à l'Assemblée Territoriale et à la population française mes condoléances émues et sincères.
Je sais que tous les vietnamiens de coeur rendront hommage aux éminentes qualités de courage, de probité intellectuelle du défunt et à son sincère attachement à ce pays dont il se considérait à juste titre, comme un enfant. Sa majesté vous prie également d'exprimer à la Presse du Sud-Vietnam ses condoléances à l'occasion de cette fin tragique d'un homme qui après avoir dignement représenté une noble corporation, l'honore aujourd'hui de son sacrifice".
Le Président Tran van Huu s'associe de tout coeur à l'expression des condoléances du Chef de l'Etat et compâtit au deuil douloureux qui frappe la famille du président de Lachevrotière et la population française du Vietnam tout entière.
Il a tenu à venir rendre lui-même un suprême hommage à la mémoire du disparu et à assiter personnellement aux obsèques.
Les condoléances de monsieur Letourneau ministre d'Etat
chargé des relations avec les Etats Associés
Depuis Paris monsieur Jean Letourneau ministre d'Etat, chargé des relations avec les Etats Associés, a adressé le télégramme suivant au Haut Commissariat de France en Indochine :
"Apprenant la tragique nouvelle de l'assassinat de monsieur de Lachevrotière je vous prie d'agréer pour vous même et de transmettre à sa famille mes condoléances très vivement émues et l'assurance que je garderai le souvenir excellent de ce journaliste ardent à défendre la cause de la France sur la terre indochinoise".
Les condoléances de monsieur Claude Bourrin
Vice-président de la Mutuelle des Anciens d'Indochine
Vice-Président de la Mutuelle avec celui que nous pleurons aujourd'hui, j'ai le très douloureux devoir, en l'absence du Président Labbé, parti pour la France, il y a quelques jours, de dir un dernier adieu à celui qui fut le créateur et l'âme agissante du groupement.
Henry de Lachevrotière, répandu dans tous les milieux, était inscrit parfois comme membre influent aux Associations les plus diverses, mais je crois pouvoir dire qu'il avait une tendresse particulière pour la Mutuelle des Anciens.
Dimanche dernier, il nous avait réunis une fois nouvelle : plein de verve et de bonhomie, il évoqua comme à l'accoutumée les jours heureux d'autrefois où l'on trimait dur dans la belle humeur en parfaite confiance et amitié avec les natifs.
Avant que nous nous séparions, dans s'attarder à la menace qui pesait sur lui, notre ami exprima le voeu de réunions publiques, le premier dimanche de chaque mois, pour communier dans les belles années de labeur honnête où les blancs considérés comme des bienfaiteurs, pouvaient voyager sans armes dans les coins de la brousse les reculés.
De Lachevrotière, si simple, si ouvert, si accueillant à tous, nous dominait de sa forte personnalité ; sa mort en cette cité de Saïgon dont il fut si souvent l'inspirateur et le guide. Sa mort est pour nous tous un exemple d'énergie et de courage ; c'est la mort d'un soldat de la plume, sans peur et sans reproche ; il laissera parmi nous le souvenir d'une belle noble figure.
Qu'on se borne à dire en quelques mots rapides ou qu'un histographe de la Cochinchine consacre un volume le rôle fécond joué par Henry de Lachevrotière durant une longue carrière politique et journalistique : celui qui est tombé hier victime du dernier devoir est et restera un très grand Français de la France d'outre-mer., un Français qui a collaboré à l'essort de ce pays et qui a comblé de bienfaits non seulement de nombreux compatriotes mais aussi des milliers d'Annamites ayant eu de contact avec lui.
Mon cher Henri, grand valeureux, délicieux ami, au nom des Vieux que vous aimiez et qui vous le rendiez bien, je vous dis adieu. Vous avez hautement mérité de vos deux patries la France et le Vietnam.
"Reposez en paix". ***
Les condoléances de monsieur Pierre Norgeu
Président du Club de la Presse
Au nom des journalistes monsieur Pierre Norgeu, Président du Club de la Presse, a prononcé le discours suivant :
"C'est beaucoup plus le recueillement de nos coeurs que par des paroles que nous pourrons rendre vraiment hommage à la mémoire de celui qui, hier encore, combattait pour la liberté et qui vient de tomber sous les coups de ceux qui n'ont pas encore trouvé que l'assassinat comme moyen de réponse à sa force convaincantes.
Henry de Lachevrotière était pour chacun d'entre nous beaucoup plus qu'un simple confrère.
Fils du Vietnam comme il était fils de la France, Henry de la Chevrotière dominait par sa forte personnalité toute l'histoire du journalisme indochinois dont il restera la plus saisissante figure, le témoin passionné de l'histoire de ce pays, dont il fut l'un des pionners, et auquel il était attaché par ses fibres les plus profondes, auquel il consacra toute son existence auquel enfin il a donné sa vie.
Homme de pensée et homme d'action, Henry de Lachevrotière vivait un peu à l'écart du monde des journalistes nouveaux venus, du monde de cette presse dont il était pourtant le plus robute des piliers. Cette solitude n'était pas la retraite d'un homme du passé car, s'il avait vécu pleinement toute l'histoire de l'Indochine, sa pensée toujours vigoureuse lui avait permis de comprendre les nécessités du présent et les exigences de l'avenir.
Le journalisme était pour lui une nécessité vitale bien plus qu'une profession. L'homme d'action chez lui dominait le journaliste, mais pour le lui une forme nécessaire de l'action.
Chaque événement avait en lui des résonnances charnelles. A l'entendre parler, on croyait entendre à travers lui comme le dialogue de ses ancêtres nés de la terre du Vietnam et de ses ancêtres venus de France en pionners pour aider ce pays à devenir la grande et libre patrie du courage et des vertus de ses enfants".
Puis, avoir évoqué plusieurs aspects de l'esprit combattif du polémiste, monsieur Norgeu poursuivit :
"Henry de Lachevrotière, l'heure est venue pour nous, vos camarades de vous adresser un dernier salut, un salut que l'on adresse aux combattants qui tombent en première ligne pour la défense de la liberté.
Dans quelques instants vous allez bientôt vous confondre avec cette terre du Vietnam que vous si parfaitement aimé et servi et laquelle vous avez donné votre sang.
Jamais les coups du mensonge ne prévaudront contre la vérité pour laquelle vous avez sans cesse lutté.
Le vide que vous laissez en Indochine ne saurait être rempli, mais ceux qui continuent aurant à coeur de prendre en exemple votre sacrifice et de restez fidèles à l'idéal de fraternité de humain que vous avez incarnés.
Adieu ! ****
Les condoléances de Willian Bazé
Président de la Mutuelle des Français d'Indochine
"Le 12 Janvier 1951, à midi vingt, monsieur Henry de Lachevrotière est mort odieusement et tragiquement assassiné à l'âge de 68 ans, en peine forme intellectuelle et physique.
Monsieur Henry Chavigny de la Chevrotière, colon, planteur, homme politique, publiciste, et, par dessus tout, homme de grand coeur, est mort en pleine lumière, la tête découverte, face au Ciel, toujours à l'avant-garde des combats qu'il n'a cessé de mener toute sa vie durant pour la défense des idées généreuses et idées généreuses et des disciplines nécessaires. Il est mort pour la France qui perd en lui un de ses meilleurs enfants. Il est mort pour le Vietnam dont il était un grand et loyal ami. Puisse cette cruelle épreuve, si doulourousement ressentie par nous tous, renforcer plus que jamais la nécessité impérieuse d'un bienveillant intérêt et d'une d'une vigilante sollicitude à l'égard de ces français d'Indochine dont le dévouement et les sacrifices ne se comptent plus.
Dans cette magnifique réalisation nouvelle de l'Union française, ce sont ces Français d'Indochine, enfants du pays où ceux y ayant fait souche qui au Vietnam comme au Cambodge et au Laos, constitueront dans l'avenir l'essentiel de la présence française, et le ciment le plus solide de l'union de la France avec ces trois Etats associés.
Pour notre Mutuelle, la disparition de notre Doyen d'Honneur constitue un vide dont nous mesurerons à l'immense étendue tous les jours. La valeur de son érudition, la connaissance parfaite du pays pour lequel il a toujours donné sans réserve le meilleur de lui-même, sa vive et lumineuse intelligence, sa paternelle et inlassable bonté nous étaient combien précieuses :
Dans toutes nos réunions sa grande présence était avidemment sollicitée, persuadés au plus haut point que nous étions que ses conseils éclairés, ses directives réfléchies, son jugement sûr, nous menaient toujours dans le chemin de la droiture et de l'honneur.
Il était également pour nous le vivant et combien dynamique exemple d'une belle autorité, d'une admirable conscience et d'un magnifique talent au service des meilleures causes. Grands sont le désarroi et la consternation dans nos rangs.
Profonde et cruelle est notre peine.
Mon coeur se serre devant cette tombe prématuré ouverte.
L'indicible émotion qui m'étreint est partagée, j'en suis sûr, par l'unanimité de ceux qui l'accompagnent aujourd'hui à sa dernière demeure et aussi par la pensée affectueuse des absents qui l'ont connu et estimé.
Votre souvenir, mon cher et regretté Président d'Honneur, survivra dans nos coeurs attristés et la grande leçon de votre belle vie sera toujours l'honneur, l'exemple et la fierté de notre mutuelle" *****.
Le rapatriement du corps du Général Chanson
à l'aéroport du Bourget
* Quelques mois après l'éloge funèbre de Henri de la Chevrotière le général Chanson a été assassiné le mardi 31 juillet 1951.
IL est en compagnie du Gouverneur Général du Sud-Vietnam M. Thái Láºp Thà nh, et du gouverneur de la province de Sa Dec.
Le Gouverneur et le Général seront assassinés par un Cadoïste dissident.
De nombreuses personnalités ont assisté à l'aéroport du Bourget à l'arrivée de la dépouille du Général Chanson. Une cérémonie funèbre a eu lieu ensuite aux Invalides.
Mme Mary Chavigny de Lachevrotière,
M. et Mme G. Chavigny de Lachevrotière et leurs enfants,
Mme Veuve J. Casteran,
M. et Mme Lucien Appert et leurs enfants
M. et Mme Maurice Chavigny de Lachevrotière et leurs enfants.
Mme Veuve Gaston Chavigny de Lachevrotière et son enfant.
M. et Mme Jean Chavigny de Lachevrotière et leurs enfants.
M. et Mme L. Veybel et leurs enfants.
M. et Mme E.B. Chavigny de Lachevrotière et leurs enfants.
Les familles de Lachevotière, Buffat, Bazé, Jaillon, Veybel,, Catherine, Laffon.
très touchés des innombrables marques de sympathie qui sont venues et qui leur viennent encore de toutes pars, mais dans l'impossiblité de répondre à chacun, les prient de trouver ici l'expression de leur profonde gratitude.
Leurs remerciements sincères et émus vont à toutes les personnes françaises, vietnamiennes, hindoues, chinoises qui ont tenus aux obsèques de :
Ancien Président du Grand Conseil des Intérêts Economiques et Financiers de l'Indochine
Ancien Président du Conseil Colonial de Cochinchine
Ancien Président du Syndicat de la Presse
Président d'honneur de la Mutuelle des Français d'Indochine
Directeur du Journal "L'union Française"
tombé victime d'un attentat terroriste.
* En 1983, à Saïgon un parc a été construit à la place du cimetière Massiges. Les dépouilles des français seront exhumées et la plupart seront été rapatriées et enterrées en France dans la nécropole de Fréjus.
La dépouille de Henry de Lachevrotière sera rapatriée en France à la charge de sa famille.
Sur le monument aux morts de la commune d’Issy-les-Moulineaux, pour la guerre d’Indochine dans la liste des morts pour la France, figure un civil, le journaliste Henry Chavigny de la Chevrotière.
** Le Général Chanson a éte victime d'un attentat le 31 Juillet 1951 à Sadec par un Caodaïste dissident qui lui avait lancé une grenade lors d'une revue des troupes. Il décédera le même jour à l'hôpital militaire de Vinh-Long.
*** Claude Bourrin, originaire de Lorient, est arrivé à Haïphong en 1898 comme fonctionnaire des Douanes. Au début du XXième siècle il devient un acteur, metteur en scène et directeur des Théâtres municipaux de Hanoï et de Haïphong entre 1927 et 1930. Il retournera en métropole en 1952 pour s'installer à Nice.
**** Pierre Norgeu, après la seconde guerre mondiale il devient chef de poste de l'agence France-Presse à Brazzaville, puis à Saïgon, du 1er octobre 1946 au 23 mai 1958. Il fréquente avec Lucien Brodard le Club de la Presse, à l'angle des rues Catinat et Lagrandière. Pierre Norgeu est nommé directeur des bureaux de l'Agence France-Presse au Maroc en août 1959. Il est décédera le 24 juillet 1961 dans un accident de circulation sur la route Tanger-Rabat.
***** William Bazé, après l'invasion de l'Indochine par les Japonais, il participe avec des résistants vietnamiens et participe à plusieurs actions armées contre l’ennemi. Le 24 août 145 William Bazé est arrêté par la Kempetaï (police japonaise). Libéré à la libération, il reprend du service et s’engage au sein du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient, sous les ordres du Général Leclerc.
Il préside la Mutuelle des Français d’Indochine, qui vient en aide aux victimes de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Indochine. A Cholon, il crée une école pour emmener les enfants au Certificat d’études. Elu conseiller de l’Union française en 1952, il concourt à la défense de son idéal en exposant régulièrement, à la tribune de l’Assemblée de l’Union franéaise, ses idées concernant la problématique des relations entre la France et ses colonies.
William Bazé fut directeur général de la "Société Générale des Plantation d'Hévéas de Xuan-Loc (Bien-Hoa)".