Rue Paul Doumer Haïphong en 1953

La Légion Étrangère à Hanoì

Commando français à Thu Duc

Traction Citroen dans la Brousse

Réfugiés catholiques du Tonkin

La cathédrale Saint-Nicolas Dallat

Réfugiés vietnamiens sur USS Montague Haïphong 1954

Aide aux Combattants Indochine

Saïgonnaises sur un pont sur le Mékong

Mytho en 1951 Tour de Guet contre les Vietminhs

Le Général Raoul Salan devant le Pont Paul Doumer à Hanoï

Cigarettes Nationales

le général De Lattre de Tassigny avec un général américain

Indochine Française

Une patrouille de légionnaires

Plantation Heveas

Tu dois déiivrer lIndochine

Marcel Bigard et le Lt Colonel Langlais, des troupes Coloniales

Affiche Indochinoise

Commandos  français à Thu Duc en 1946

Traversée du Mékong en 1947



Haïphong en 1954



Camion Simca à Haïphong

Tombola des éleves pauvres et orphelins Saigon 1954

Marins dans la rue Catinat à Saïgon

Cigarettes Melia

La chute Gougah

Militaires sud-vietnamiens

La Chambre de Commerce Hanoï

Hanoï Imprimerie Extreme-Orient

Hôtel du Parc Dalat

Les Autobus devant le pont Paul Doumer Hanoï

Anthracite tonkinois

Souvenir de Dalat

Hôtel du Parc Dalat

Souvenir de Dalat

Dans le Port Haiphong

Souvenir de Haïphong en 1954

Splendid Hôtel Hanoï

Dans le Port Haiphong

Ligne de Bus Saigon-Mytho en 1951 Tour de Guet contre les Vietminhs

La Légion étrangère à Haïphong

Avion Taxi Indochine

Militaires sud-vietnamiens

Indochine Catherine Deneuve, Jean Yanne

Port Haïphong

Cigarettes Melia



Attentat à Saïgon le 1er Mai 1955

Un patrouilleur français dans le Golfe du Tonkin

Blason de Empereur du Vietnam

Air France

Souvenir du Tonkin

Voyagez avec les troupes coloniales

La chute Gougah

La chute Gougah

Les allemands dans la légion étrangère Hanoï

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L'AFFAIRE DES PIASTRES

Billets édités par la Banque de l'Indochine

Une Piastre Cinq Piatres

Vingt Piastres Cent Piastres

Une parenthèse dans cette guerre : Le clan des Corses

Le Clan des Corses

Au lendemain de la Libération, Jean-François Armorin était l'un des journalistes les plus connus de Paris. Collaborateur de Franc-Tireur, il avait couvert l'affaire de l'
Exodus et était l'auteur de nombreux scoops. Envoyé en Indochine, il enquêta sur le trafic des piastres dont il tenait pour principal responsable Mathieu Franchini, le légendaire patron de l'hôtel Continental situé rue Catinat. L'ayant publiquement insulté, il fut giflé par un Corse, ami de Franchini, très sourcilleux en matière d'honneur. Dès lors, durant tout son séjour à Saigon, Armorin ne cessa d'envoyer à sa rédaction des télégrammes affirmant que le «clan des insulaires» voulait sa peau. Un pneumatique, plus alarmiste que les autres, arriva au siège du journal en octobre 1949, après que Jacques Rivet, directeur de l'Office des changes, et Armorin eurent trouvé la mort dans le crash de deux avions assurant la liaison entre l'Indochine et la métropole. D'où la légende tenace selon laquelle cette grande plume aurait été victime d'une vendetta à la mode asiatique.
En fait, comme l'établit Lucien Bodard, si Franchini n'ignorait rien du trafic des piastres et, ac cessoirement, bénéficiait de transferts avantageux, il ne le contrôlait pas, ce rôle revenant à Andréani, patron de La Croix du Sud, un café célèbre pour son orchestre féminin vêtu de superbes tuniques ornées de brandebourg et coiffé de bonnets à plumet.

La Croix du Sud rue Catinat Saïgon

Quant aux deux catastrophes aériennes, les enquêtes établirent qu'elles étaient dues au mauvais état des appareils.

Une arnaque presque légale

Situé près du port, en bas de la rue Catinat, ce quartier était un véritable havre de paix. A quelques centaines de mètres de là pourtant, les grenades éclataient à la terrasse des cafés. La Sûreté française et les différentes milices vietnamiennes se livraient en effet à de sordides règlements de comptes contre les partisans du Doc Lap (l'indépendance).
Le tout sous le regard narquois des compradores chinois (les courtiers de firmes occidentales) et des bourgeois annamites, grands spéculateurs devant l'Eternel, capables de rassembler en quelques minutes des sommes faramineuses sur l'origine desquelles il valait mieux ne pas poser de questions, sauf à vouloir finir noyé dans les eaux boueuses d'un arroyo. La piastre, du nom de la monnaie locale, était devenue l'une des devises les plus recherchées de la planète depuis qu'à Paris, en décembre 1945, un obscur fonctionnaire du ministère des Finances en avait fixé le cours officiel en métropole à 17 F, soit deux fois sa valeur réelle (8,50 F). Une décision prise le 25 décembre qui constitua le plus beau cadeau de Noël fait par la IV République aux affairistes.
Fini le règne des BOF (beurre - œufs - fromage) enrichis par le marché noir sous l'Occupation.
Place, désormais, aux trafiquants de la piastre, saisis - si l'on ose dire - par une véritable fièvre jaune.
Certains bâtirent ainsi d'immenses fortunes en quelques semaines, voire quelques jours. Le principe était simple: il suffisait d'habiter en Indochine, plus particulièrement dans l'éphémère république de Cochinchine, et d'obtenir l'autorisation de transférer en métropole des piastres qui, valant 8,50 F à Saïgon, étaient échangées 17 F à Paris. Jackpot assuré ! Le système, destiné à l'origine à favoriser les exportations de France vers ses possessions asiatiques, se scinda bientôt en deux branches, l'une «légale», du moins en principe, l'autre illégale. Ceux qui oeuvraient dans la légalité la plus absolue étaient les soldats du corps expéditionnaire autorisés à transférer librement en France le montant de leurs économies.

Et Dieu sait si nos braves pioupious furent économes puisque, de 1947 à 1949, ils ne dépensèrent pas une seule piastre en Indochine et firent fructifier leur pécule.

Publicité de l'Apéritif de France Saint-Raphael

Mieux, le montant des transferts de piastres dépassait de très loin le total de la solde des militaires. Pourtant, on pouvait voir marsouins, aviateurs, fantassins et légionnaires vivre sur un grand pied, jouer des sommes astronomiques au Grand Monde, à Cholon, le faubourg chinois de Saigon, ou payer avec largesse les prostituées opérant au Parc à buffles, le plus grand BMC (bordel militaire de campagne) de la capitale cochinchinoise.
En fait, les militaires, moyennant une honnête commission, servaient de prête-noms à des hommes d'affaires ou à des petits Blancs soucieux de «faire de la piastre», comme on fit plus tard du CFA en Afrique.

Les marins français en 1955 sur la rue Le Loi ex boulevard Bonard à Saïgon

D'autres «légalistes», pressentant la fin de la présence française, juraient qu'ils préféraient quitter cette Indochine où ils vivaient pourtant depuis des années, voire des décennies. On assista ainsi à un émouvant exode de «partants définitifs», autorisés à transférer sans problèmes le fruit de leur labeur, et qu'on retrouvait, quelques semaines plus tard, à la terrasse du Continental, victimes d'un irrépressible «mal du pays». Certains partirent ainsi cinq, six, sept fois, jusqu'à ce que les autorités s'avisèrent de renforcer un peu plus les contrôles mettant un terme à ces allées et venues incessantes.

100 Piastres Saigon

Les hommes d'affaires, eux, furent saisis d'une véritable fièvre d'achats. Très vite, Saigon devint la Mecque des firmes d'import-export, créées le plus souvent de toutes pièces et disposant d'adresses plus ou moins fictives tant en France qu'en Indochine, souvent dans des bistrots tenus par des amis.

100 Piastres

L'Indochine française vit ainsi affluer dans ses ports tous les stocks de marchandises invendables qui s'entassaient dans des entrepôts en France: films de série B, manuels scolaires périmés, carcasses de navires destinés à la casse, sacs de ciment inutilisable, parapluies par milliers, pots de chambre... On n'en finirait pas de dresser l'inventaire à la Prévert des exportations françaises vers Saigon que leurs commanditaires ne venaient même pas chercher au port ou qu'on retrouvait dans les terrains vagues entourant la ville.
A l'Office des changes, rue Guynemer, une vingtaine d'employés contractuels français et une quarantaine de secrétaires annamites instruisaient les dossiers au petit bonheur la chance, refusant certains transferts, en acceptant d'autres, selon des critères que des pots-de-vin judicieusement distribués contribuaient à assouplir.
Il faut supposer que les fonctionnaires de l'Office des changes étaient de véritables Adonis car d'accortes demoiselles s'amourachaient de ces quadragénaires bedonnants et se pliaient à tous leurs caprices, jusqu'au jour où la belle demandait à son amant de lui rendre un «petit service»: signer un ordre de transfert de piastres pour elle ou pour des amis très chers.

Le directeur de l'office n'était guère enclin à nettoyer les écuries d'Augias tant il était lui-même l'objet de pressions de la part des hauts-commissaires successifs, Bollaert ou Pignon, de députés, de ministres, de sénateurs ou de tous ces Vietnamiens «profrançais» dont la loyauté était inversement proportionnelle au nombre et à l'importance des transferts qu'on leur accordait. Champion toutes catégories dans ce domaine, l'empereur Bao Dai qui vivait chichement en exil à Hongkong depuis son abdication en 1946.

Time magazine avec en couverture Empereur Bao-Dai et proclame en 1949 l\'Etat du Vietnam

Les Français souhaitaient le voir revenir en Indochine, mais Sa Majesté rechignait. Aussi, pour l'amadouer, l'autorisa-t-on à transférer en métropole l'équivalent en piastres de 500.000 dollars.

Des importations pour l'ennemi

Quant aux dirigeants des grandes firmes bordelaises d'import-export (Denis Frères, Alcan, les Comptoirs France-Asie...), ils multiplièrent par 10, entre 1947 et 1953, leurs opérations commerciales de France vers l'Indochine sans oublier d'encaisser au passage de copieux dommages de guerre au titre des réparations pour les destructions réelles ou fictives opérées par l'occupant nippon de 1940 à 1945. Autant de centaines de millions de piastres transférées chaque année de Saïgon à Paris qui permirent à ces sociétés de tirer leur épingle du jeu après la défaite de 1954 et la signature des accords de Genève.
Détail curieux: bon nombre de produits importés de France étaient des médicaments, des lampes torches, des chaussures, des pansements qui, loin d'être mis en vente rue Catinat, aboutissaient, grâce à des intermédiaires chinois et annamites insoupçonnables, dans les maquis du Vietminh, partie prenante de ce trafic. Quand Ganay, le directeur local de la Banque d'Indochine, s'avisa de mettre son nez dans ces affaires peu reluisantes, son valet de chambre et amant fut enlevé par le Vietminh en même temps qu'une statuette à laquelle il était très attaché.
Après de longues et discrètes tractations, il récupéra son petit ami et l'objet d'art, mais perdit l'usage de la parole dès lors qu'il s'agissait du trafic de piastres.

L'ombre de Paul Auriol, fils de...

Une fois le transfert obtenu, on pouvait recommencer à l'infini l'opération. Il suffisait de faire rentrer illégalement de l'or à Saïgon - le gramme valait 586 F à Paris et 1 300 F en Indochine - ou des dollars via Hongkong, Colombo ou Macao.
Les trafiquants les échangeaient contre des piastres, qui faisaient l'objet d'un nouveau transfert vers Paris.

Le Chantilly devant le Quai des Messageries Maritimes

Les matelots des paquebots assurant la ligne Marseille-Saigon étaient spécialisés dans ces opérations illicites sur lesquelles les douaniers corses du port, rêvant d'une retraite dorée dans l'île de Beauté, fermaient volontiers les yeux contre quelques pots de vin immédiatement transférés chez eux grâce à...
l'Office des changes.
On vit même un noble vieillard descendre d'un paquebot avec à la main un accordéon. Emu de voir ce Mathusalem porter un tel fardeau, un jeune soldat s'offrit à le lui porter. Malheureusement, il était amateur de musette et voulut jouer de l'instrument qui se brisa net cependant que plusieurs lingots tombaient à terre devant les gabelous bien embarrassés.

Une chaude alerte ébranla le petit monde de la piastre. Le 18 septembre 1949, une bagarre opposa à la gare de Lyon un soldat de retour d'Indochine et deux Annamites. On trouva dans la serviette de l'un d'entre eux, Doc Dai Phuoc, employé à la légation du Vietnam, un exemplaire du rapport confidentiel adressé par le général Revers à Paul Ramadier, ministre de la Défense, à la suite d'une mission d'inspection en Indochine.
Des perquisitions dans les milieux indochinois de Paris permirent de retrouver 38 exemplaires de ce rapport très critique où Revers dénonçait en termes virulents le scandale du trafic des piastres et mettait en cause plusieurs personnalités, dont un mystérieux M. Paul dans lequel certains journalistes crurent voir Paul Auriol, le fils du président de la République.
Le 17 janvier 1950, une commission d'enquête parlementaire, dans laquelle figurait le député communiste Maurice Kriegel-Valrimont, fut nommée. Mais elle ne trouva jamais le temps d'achever ses travaux
Quant aux accusations distillées par Kriegel-Valrimont et reprises par la presse communiste, elles furent considérées comme nulles et non avenues car émanant d'alliés du Vietminh. Le second scandale éclata en 1953 avec la parution, aux éditions des Deux Rives, d'un livre d'un modeste fonctionnaire de l'Office des changes de Saïgon, licencié dans des conditions suspectes, Jacques Despuech.

Le Trafic des Piastres

Le Trafic des piastres devint un véritable best-seller, surtout lorsque des dirigeants de sociétés mises en cause attaquèrent l'ouvrage en diffamation. Ils obtinrent réparation, essentiellement pour des questions de procédure, mais la presse s'empara de l'affaire.
Le Monde, Libération (celui de d'Astier de La Vigerie), la Croix ou le Populaire consacrèrent de nombreux articles à ce scandale, chacun s'efforçant d'atteindre ses ennemis politiques, le MRP, les radicaux, l'UDSR de Pleven et Mitterrand ou la SFIO. La polémique enfla d'autant plus que Despuech montrait clairement que la poursuite de la guerre en Indochine n'avait d'autre fin que de permettre à ces firmes et aux escrocs bénéficiant de solides protections politiques d'amasser des fortunes considérables.

René Mayer

Le gouvernement de René Mayer, interpellé à la Chambre, dut se résoudre, le 11 mai 1953, à ramener le cours de la piastre indochinoise de 17 à 10 F, ce qui limitait considérablement les possibilités d'enrichissement.

La Chambre ne s'arrêta pas là. Le 2 juillet 1953, elle nomma une nouvelle commission d'enquête qui entendit, pendant dix-huit mois, plus de 75 hauts fonctionnaires relevés de leur obligation de secret professionnel. Approuvé par ses membres en juin 1954, le rapport de la commission fut déposé le 28 janvier 1955 sur le bureau de l'Assemblée par son président, Raymond Mondon. Le lendemain, celui-ci était nommé secrétaire d'Etat à l'Intérieur dans le gouvernement Edgar Faure. Son rapport ne fit donc jamais l'objet d'une discussion au Palais-Bourbon.
Peu importe puisque, depuis mai 1954, avec le désastre de Dien Bien Phu, l'Indochine était perdue pour la France. Mais tous les politologues sont d'accord pour admettre que la publication du livre de Jacques Despuech, en 1953, marqua un tournant décisif dans l'évolution du conflit. L'opinion publique, jusque-là favorable à l'intervention en Asie, estima alors qu'il était temps de mettre un terme à la «sale guerre» que seuls les communistes dénonçaient.
L'affaire des piastres contribua aussi à la déqualification d'un personnel politique jugé corrompu. Elle permit aux poujadistes de faire campagne sur le thème du «tous pourris».
Et assura le succès électoral d'un député élu en janvier 1956, Jean-Marie Le Pen, ultime bénéficiaire de cet invraisemblable scandale financier.

Article tiré du journal "Mariannne" du 08 Juillet 2002

dragon

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